En 1998, je suis touché, attaqué par un mal qui aspire toute mon énergie et devant lequel les médecins dans un premier temps sont perplexes. C'est une glande qui est atteinte. Mon cœur bat trop vite, tout le temps. Le jour et la nuit. Ma fatigue est immense, j'ai maigri et je suis irascible. J'ai peur car je sais que je suis malade et je n'ai encore rien fait, en tout cas pas assez.
Je suis reclus à Dreux et mon humeur se dégrade. Je me sens plus seul et désespéré que jamais. Je n'écoute plus de musique. Avant je savais reconnaître le toucher d'un pianiste, l'instant salivaire d'un saxophoniste. Je connaissais mes morceaux, je savais où et quand. Là, plus rien.
Le papillon que j'ai dans la gorge s'est transformé en une larve immonde qui ne cesse de m'obséder. Enfin, une bonne dose radioactive va le tuer, le faire disparaître et l'on ne saura jamais si Tchernobyl en fut responsable, mais il y a de fortes chances pour qu'un nuage, quand même, soit passé au-dessus de ma tête pour modifier le cours de ma vie.
J'ai trouvé des vieux flacons d'encre et un reste de bloc de papier avec lesquels j'entreprends d'exorciser le mal en lui donnant une autre réalité que celle de l'imagerie médicale.
Alors l'encre et l'eau vont se répandre sur le papier, en formes libres et animales, en tempêtes et en paysages obscurs, en couleurs, en noir, en gris. Chaque dessin qui apparaît est un nom donné à la bête.
Cela m'a permis de faire face à la tache abstraite et envahissante.
Pourvu que le sarcophage résiste.